• La truffe noire, le diamant noir de la gastronomie

     

    La truffe noire, le diamant noir de la gastronomie

     

    Cette denrée est de plus en plus rare. On en récoltait mille tonnes en France au siècle dernier, à peine 50 tonnes aujourd’hui. Que fait Saint Antoine, patron des trufficulteurs ?

    On consomme la truffe, qui n’est pas un champignon à part entière mais seulement son organe reproducteur du mycélium, depuis l’antiquité. Durant le Moyen-âge, on lui a prêté des vertus maléfiques à cause de sa couleur noire mais surtout parce que toutes les herbes dans son alentour meurent. Ce sont les fameux ronds de sorcières. La truffe secrète dans le sol un herbicide.  Au début des années 1800, la truffe qui le siècle précédent était encore réservée à une élite de seigneurs, connaît son apogée. Rare sont les repas qui ne sont pas truffés.  

    Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Chips a la truffe, pâtes à la truffe d’été, sauce à la truffe brumale, huile parfumée à la truffe, écrasé de pomme de terre à l’arôme de truffe, comment la truffe qui peut couter jusqu’à 800 euros le kg peut-elle arriver si facilement dans nos assiette ?

     

    Aux sources dans le Périgord.

     

    La saison de production court de novembre à mars. Chaque trufficulteur a son coin tenu jalousement secret, à l’aide d’une truie truffière pesant dans les 200kg, d’un chien ou même…de mouches !

    Son parfum capiteux est dû à plus de 50 nuances aromatiques, des nuances que jamais personne, même les plus grand écrivains, n’a su décrire.

    La truffe se découpe ou se râpe a la mandoline.

    Elle peut s’associer à un produit noble, comme la Saint-Jacques, ou des aliments très simples comme le topinambour ou les oeufs.

    La brouillade est un plat plus abordable est facile à faire : 3 œufs, 10gr de truffe qui coûtent environ 5 euros, un filet d’huile et surtout un bon coup de main

    Les cuisiniers du Périgord comptent surtout sur un réseau de petits fournisseurs. Les gros producteurs de truffes, ça n’existe pas. La plupart sont des agriculteurs qui arrondissent leur retraite. Certains ont eu des parents prévoyants qui ont planté dans leur propriété des chênes et ils ont la surprise de trouver des truffes. Le ramassage est réglementé lorsqu’il ne s’agit pas d’un terrain privé. Les communes louent ramasseurs les parcelles de forêt où pousse la truffe.

    Sinon, les chefs se rendent au marché aux truffes, comme à Sorge tout l’hiver le dimanche.

    Deux espèces se trouvent au même endroit, la truffe noire du Périgord, ou Melano Sporum , la meilleure, la plus parfumée et qui peut atteindre jusqu’à 800 euros le kg, et la brumaire, un peu moins noble ne fait que 300 à 400 euros le kg. On voit que le veinage n’est pas le même.

    Le truffier fixe lui-même le prix de son panier, en fonction de l’offre et de la demande.

    Le Périgord ne produit plus qu’à peine 20% de la production française.

    Le changement climatique, la pollution serait en cause. De nombreuses vieilles truffières ne produisent plus. On tâche de replanter des arbres dans l’espoir que les truffes reviennent sous leurs pieds. Un arbre d’une dizaine d’année est susceptible de commencer à avoir ses premières truffes.

    La Provence est en fait la plus grosse région de production de la truffe noire. Dans le petit village de Richerenches se déroule le plus grand marché de truffe au monde. Cela se passe dans une simple allée de platanes, au cul du camion.

    Mais là aussi, les producteurs se raréfient et les récoltes s’amenuisent, se bornant souvent à quelques truffes.

    Depuis 5 ans la production française stagne à 50 tonnes par an, et même les guides touristiques s’en inquiètent.

    L’avenir de la truffe se trouve dans la trufficulture. Selon un programme national de recherche et d’expérimentation visant à augmenter la production truffière, A Uzès, dans le Gard, comme dans d’autres régions trufficoles, se trouve une truffière expérimentale,

     

    La truffe espagnole

     

    L’Espagne est un grand conçurent qui casse les prix, vendant jusqu’à deux fois moins cher le kg et 80% de sa production est exportée vers la France. Les truffes d’Espagne sont d’aussi bonne qualité que celle de France.

    L’Espagne devient la nouvelle terre promise de la truffe. Plus précisément près de Valence dans la petite région de Teruel. Village perdu de Mora, se tient sur le parking d’un hôtel le plus grand marché aux truffes d’Espagne. A la tombée de la nuit, se donnent rendez-vous,  devant les coffres ouverts des voitures, des habitués aux règles tacites : on ne révèle pas avec qui ont fait affaire et pour combien.

    Depuis les années 2000, dans cette région rurale et dépeuplée, les amandiers et le blé laissent place aux chênes truffiers. Les agriculteurs plantent en masse sur plus de 10.000 hectares. Dix ans après, les truffes se récoltent presque comme des fruits. Ici on ne se voue pas uniquement à mère Nature, le sol est travaillé et irrigué avec soin, selon des paramètres précis. Ramasser des truffes devient une entreprise nécessitant des ouvriers à temps plein.

    En Espagne, les chênes sont mycorisés dans des pépinières spécialisées : dans leurs racines est introduite la base végétale qui permet à la truffe de se développer. Cette technique, à l’origine française, a fait de nombreux adeptes en Espagne, beaucoup moins en France ou en Italie où l’on éprouve toujours des réticences à remettre au goût du jour une tradition qui débute dans les années 1800.

    Plan de Chêne mycorisé - Truffe

    Grâce à cette méthode, en 20 ans seulement, la production espagnole atteint désormais 50 tonnes de truffes par an, autant qu’en France.

    En Espagne il n’y a pas une grande tradition de consommation de truffes. Le champignon noir est donc principalement destiné à l’export, vers l’hexagone en particulier.

    Les truffes espagnoles arrivées sur le marché français deviennent en général françaises. Le client français ou étranger, à truffes pourtant égales en qualité, paie plus pour une étiquette française.

     

    La truffe en Croatie

     

    En Istrie, une région du Nord-Ouest de la Croatie, les paysages ressemblent étrangement aux collines piémontaises. Dans la forêt de Motovun, les truffes Tuber Magnatum Pico pullulent et sont d’une très bonne qualité. Si bien que les Italiens viennent les acheter pour les mélanger aux leurs. Au marché noir, la truffe s’échange pour 600 euros le kg.

    On trouve également la truffe noire du Périgord.

    Giancarlo Zigante trouve en 1999 une truffe 1kg310 qui le fait entrer dans le livre des records. A présent il règne sur un empire, emploie 2000 chercheurs de truffes et il est l’heureux propriétaire de la seule usine de conditionnement du pays.

     

    La truffe en Italie

     

    Dans le Nord de l’Italie, à Alba dans le Piémont, on peut parcourir les forets à la recherche de l’or…blanc. La fameuse truffe blanche coûte sur le marché officiel entre 2500 euros et 4000 euros le kg.

    Dans le Piémont, 4000 chasseurs équipés de chiens traquent la précieuse Tuber Magnatum Pico.  

    L’Italie a demandé l’inscription de la truffe blanche au patrimoine de l’Unesco.

    La truffe d’Alba fait partie avec le caviar des denrées alimentaires les plus coûteuses du monde.

     

    truffe blanche d'Alba

     

    La truffe Belge

     

    La truffe belge existe, puisque en 2015, Priam Mengal, un habitant de Pondrôme a découvert par hasard des truffes noires dans son jardin. Le champignon a apparemment apprécié le sol calcaire et les racines du noisetier.

    La chose est-elle plus rependue qu’on le croit dans nos jardins ? La truffe est enterrée jusqu’à 25cm de profondeur, c’est donc par hasard ou alors à dessein mais avec l’aide d’un animal truffier que l’on peut la découvrir.

     

    Les nouveaux royaumes de la truffe, fort fort lointains

     

    La truffe noire du Périgord pousse aussi en Australie, au Chili, au Maroc, en Grèce, en Argentine, aux Usa, en Nouvelle-Zélande.

    Au Maroc, en 2006 des chênes truffiers mycorisés ont été importés et plantés à la ferme Tifouzine située à une centaine de kilomètres d’Oujda et depuis on peut récolter la tuber melano sporum. Mais des truffes poussent naturellement dans le désert, par exemple dans la région de Bouarfa. Il s’agit des espèces Delastria, Picoa, Terfezia, et Tirmania, génériquement appelées « truffes du désert ». Leurs qualités gustatives sont plutôt celles du champignon.

     

    Il y a truffe et truffe

     

    Les truffes doivent être lavées, brossées et triées avant d’être présentées à la vente.

     

    Les plus belles truffes sont finalement vendues à des restaurants de luxe en France ou dans le monde entier. Les autres sont mises en conserverie de luxe, à plus de 3000 euros de kg. Sur l’étiquette on peut légalement inscrire « produit de France ». Cette mention trompeuse ne certifie pas l’origine de la truffe mais seulement qu’elles sont transformées en France.

    Les pelures de truffes sont elles aussi mises en conserve, à un prix plus abordable.

    Tuber Estivum, que l’on peut légalement nommer truffe dite d’été depuis 2010 mais qui est loin de valoir en qualité la truffe noire, est réservée elle aussi aux budgets plus modestes. Destiné souvent à la conserverie, le tubercle se vend 50 euros le kg, soit 10 fois moins que son noble cousin.

    Des restaurants spécialisés servent toute l’année différentes sortes de truffes.

    A la carte apparait donc durant les beaux jours, la truffe blanche d’été ou truffe de Saint-Jean, qui se récolte de mi-mai à fin aout. Elle se râpe fraiche comme la truffe noire. Elle convient très bien sur des pâtes ou pour aromatiser une soupe froide.

    Il existe aussi Tuber uncinatum, plus communément appelée la truffe de Bourgogne.

    Comme son nom l’indique si bien, on la trouve en Bourgogne et en Champagne. Mais elle est aussi bien présente en Alsace et en Lorraine, et on en trouve dans toute l’Europe. Elle peut être cultivée et on la récolte aux chiens de septembre à janvier.

    D’un prix plus abordable que la truffe du Périgord, elle est jugée moins parfumée. La meilleure façon de la déguster et d’apprécier sa saveur de noisette est de la râper fraîche sur des pâtes ou des œufs.

    La truffe mésentérique ou Tuber mesentericum est une autre truffe d’hiver, peu connue du grand public. Elle est consommée notamment en Meuse. Son odeur est vraiment caractéristique, très forte et prononcée. On peut songer à une odeur de phénol, de médicament. Le tubercule développe à maturité des arômes d'amande amère qui résistent très bien à la cuisson. On l’utilise à doses homéopathiques, surtout pour aromatiser terrines et sauces.

    On la récolte du 1er septembre au 31 décembre et elle présente l’avantage d’être visible en surface.

    La Truffe « Nez de chien jaune » ou Tuber excavatum, est peu connue mais commune. Elle est introuvable dans le commerce. Les amateurs les ramassent donc pour leur seul usage personnel et en mettent par exemple dans un bocal avec des œufs pour les parfumer.

    Tuber Brumale a quant à elle une odeur de rave. Elle parfume la crème et le fromage. Considérée comme invasive dans les truffières, on a tendance à l’éliminer et on ne la recherche pas particulièrement.

    Notons qu’indépendamment de leurs espèces, le parfum des truffes varie d'une zone géographique à l'autre, d'un arbre à l'autre et même d'une truffe à l'autre.

     

    L’industrie agro-alimentaire nous prendrait-elle pour des truffes ?

     

    Sur les produits transformés, le mot « truffe » apparait facilement. Mais que contient vraiment le produit ? La mention « truffe noire d’été » prête par exemple à la confusion : s’agit-il de truffe noire Melano sporum ou de la truffe de Saint-Jean Tuber Estivum ?

    Lorsque l’on lit la mention «saveur » ou « goût » truffe noire, présentes sur de nombreuses bouteilles d’huile ou produits, il faut comprendre « arômes de synthèse ».

    Les chimistes sont en effet capables de fabriquer un arôme de truffe artificiel, à base de composants naturels soufrés qui sont fixés dans de l’huile d’olive. 

    L’huile de truffe n’existe pas. Il est inutile d’essayer de presser une truffe pour en extraire de l’huile. On peut juste se procurer de l’huile d’olive ou de tournesol aromatisée artificiellement avec un arome aux composés identiques à ceux qui se trouvent dans la truffe, mais tout à fait synthétiques. Inutile aussi de compter sur les quelques petites choses noires qui se trouvent au fond de certaines bouteilles : le goût ne vient pas de là.

    En France, plus d’1% de véritables truffes noires dans la recette sont nécessaires pour pouvoir afficher la mention « à la truffe ». En Suisse il faut minimum 3% et en outre la variété de truffe doit être précisée. En Belgique, la législation se montre totalement muette quant à l'utilisation de l'appellation "truffe".

     

    La truffe pour tous

     

    Les puristes hurlent au scandale devant ces arômes de synthèse, mais il présente le mérite de pouvoir être abordable pour tous, contrairement à la vraie truffe.

    Depuis 2007 ; le brevet est tombé dans le domaine public et on ne compte plus les produits aromatisés à la truffe. Aux USA, c’est la truffe en folie. Même les frites sont aromatisées à la truffe ! Chez nous, on a découvert il y a peu ce goût dans des chips. On peut désormais offrir à l’apéritif un produit populaire de luxe.

    Depuis l’année passée, on voit dans les rayons de l’enseigne Monoprix de l’omelette à la truffe, sous forme de sachet souple de 200 g, d’après une recette recette a été élaborée par le maître cuisinier de France Christian Étienne.

     

    La firme Savor & Sens Tradition, marque bien présente aujourd’hui dans le marché de l’épiceries fines et fondée par Alain Léon, un ancien sapeur-pompier, propose un Ketchup saveur truffe, avec son lot de conservateurs (E211, E202) qui tend à dénaturer le mot « tradition » ou la très bling bling Moutarde Très OR saveur truffe blanche.

     

     

     

    Une nouvelle forme de braconnage

     

    De plus en plus de ramasseurs équipés de leurs chiens déterrent des truffes en très grandes quantités hors saison sous prétexte de rechercher la truffe d'été. C’est du pur gâchis car les truffes, hormis la Tuber Aestivum, sont rarement parfumées en cette saison et souvent immatures. En outre, des braconniers passent au crible des bois privés et même des truffières cultivées. Ne parlons pas de la façon de procéder de certains, qui démolissent à la pioche le précieux fil de vie qui relie le mycélium à son arbre.

     

    Aphrodisiaque, la truffe ?

     

    Les Grecs anciens dédiaient la truffe à la déesse Aphrodite. Raymond Pujol, ethnobotaniste du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris a écrit dans un article consacré à truffe : « Trois chercheurs allemands ont découvert en 1981 dans la truffe une phéromone, stéroïde à forte odeur musquée analogue à celle des testicules du verrat transférée aux glandes salivaires pendant la phase de pré-saillie. Le rôle biologique de cette phéromone pourrait expliquer l'ardeur et la motivation de la truie pour la truffe. »

    On se dispensera de commentaire.

     

    Que faire de ses truffes ?

     

    Fraîches, les truffes noires du Périgord et de Bourgogne se conservent entières une semaine au frais où il faut les congeler. La truffe donne le meilleur d’elle-même crue et râpée. Elle libère aussi ses arômes en infusion, mais il faut éviter de la cuire trop longtemps, au risque de lui faire perdre beaucoup de son parfum.

    On peut se servir de truffe en conserve, simplement immergée dans de l’eau salée, en ayant pris soin de bien lire l’étiquette. Le jus parfumé par la truffe est à conserver : il fera une excellente sauce.

    Les morceaux de truffes et brisures vont très bien dans une brouillade ou en sauce.

    Les pelures de truffe, assez abordables mais moins parfumées, sont parfaites pour confectionner une sauce.

    La truffe, outre les œufs, se marie très bien avec la pomme de terre, surtout en purée, les crèmes et fromages, les coquilles Saint-Jacques, le foie gras bien entendu, les volailles, le ris de veau.

     

    « Si vous voulez des truffes, semez des glands »

    Comte de Gasparin.

     

    Pour aller plus loin :

     

    Documentaire « De la truffe pour tous » réalisé en 2015 par Anne Richard

     

    Surfer…

     

    http://www.fft-truffes.fr/ : Fédération Française des Trufficulteurs, 7bis, rue du Louvre à 75001 Paris

     

    http://www.truffiere.org/savarin.html : le site de la Truffière se Saint-Rémy, extrêmement complet et truffés d’articles travaillés et pertinents.

     

    http://www.truffefrance.com : toute la truffe en un simple clic.

     

    http://www.savorcreations.com/ produisent des produits au gout de truffe pour le moins inattendus, mais avec des conservateurs. Notons qu’ils produisent aussi des produits Bio.

     

    Bouquiner…

     

    -Truffes d'Europe et de Chine de Louis et Gisèle Riousset, Gérard Chevalier et Marie-Christine Bardet. (INRA Editions) – 2001

     -Truffe et trufficulture » de Jean-Marc Olivier, Jean-Charles Savignac et Pierre Sourzat. (Editions Fanlac) - 2002

     

    Planter…

     

    Plantez votre arbre mycorhizé, soyez patients et dix ans après, récoltez vos truffes ! http://www.agritruffe.eu/

     

     

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